Pédagogie d’un radar pédagogique

On rend responsable le conducteur sans le sanctionner.

Nathalie Troussard, secrétaire de la ligue de défense des conducteurs, France 3 Occitanie, janvier 2020

Le contexte:

Tout part d’un document de relevé de vitesses a été mis à disposition par Toulouse Métropole aux amis de l’association 2 Pieds 2 Roues. Ce relevé de vitesses provient d’un radar pédagogique situé chemin Croix-Bénite.

C’est un document au format PDF qui présente plus de 800 pages de tableaux organisés jour par jour, avec un échantillonnage horaire des vitesses. 800 pages de tableaux, c’est typiquement le genre d’informations qui mériterait d’être mis à disposition en Open Data.

Open Data. Mmmh, bon.

En attendant que ça arrive, j’ai proposé de mettre un place un petit script en Python permettant d’extraire les valeurs des tableaux afin de pouvoir en faire une analyse plus fine.

Le radar de Croix-Bénite

Selon le document transmis par Toulouse Métropole il serait situé au 69 chemin Croix-Bénite. 

Le chemin présente deux fois une voie auto limitées à 50km/h sur un linéaire d’environ 1km. Un linéaire qui en prolonge un autre, celui de la route de Launaguet qui fait environ 3kms: au final il s’agit plutôt d’une pénétrante de plusieurs kms vers le centre de Toulouse, en passant par les Izards et les Minîmes. Cette situation en fait un axe potentiellement plus ou moins chargé – en tous cas plus qu’un “chemin” classique. Cette route ne comprend aucune voie cyclable excepté sur une portion à l’angle de la rue Gasparotto.

Analyse des relevés du radar

Le radar fournit des informations horaires parmi lesquelles la répartition des vitesses relevés, le nombre de véhicules comptabilisé durant la tranche horaire et la vitesse maximale. Le tout compilé pour chaque jour allant du 10 Février 2020 au 1er Janvier 2021. Il contient donc des relevés durant les périodes de confinement liées au COVID-19 en 2020, bien visibles sur le graphique. Je n’ai traité ici que les données en sens entrant, périphérie vers Toulouse, je traiterai la suite dans un prochain billet.

Le trafic moyen journalier est présenté sur la figure suivante:

En faisant abstraction de la première période  de confinement on peut estimer un trafic journalier autour de 4000 à 5000 véhicules jour, avec des pointes dépassant les 6000. C’est environ deux fois moins qu’un axe comme l’Avenue de Muret: ce n’est pas forcément un trafic très important, mais tout de même loin de celui d’un ‘chemin de campagne’. Cela veut dire aussi que le trafic n’y est pas forcément saturé: est ce que cet élément est propice à des vitesses élevées? Au regard des vitesses maximales relevées il semble que oui.

Sur le graphique, chaque point représente la vitesse maximale relevée par tranche horaire: on constate une surreprésentation pour les valeurs supérieures à 50km/h. Les points blancs correspondent aux valeurs inférieures ou égales à 50km/h, tandis que l’autre nuage de point présente une majorité de vitesses entre 60 et 90 km/h, avec des maximums pouvant dépasser 130km/h.

Des dépassements de vitesse nombreux (ou pas)?

Si on s’en tient aux chiffres on a en moyenne un peu plus de 78% de véhicules en conformité sur toute la période, ce qui correspond à 22% de véhicules en dépassement.  

On pourrait se satisfaire en constatant que huit conducteurs sur dix respectent la limitation: c’est plutôt pas mal, après tout. 

Autrement dit sur le chemin Croix-Bénite chaque heure vous vous exposez à ce risque de 22% de vitesses excessives: les relevés montrent un passage moyen autour de 300 véhicules/heure. Cela signifie que soixante-six véhicules seront en infraction, soit un peu plus de un toutes les minutes. Un-toutes-les-minutes.

Si vous ajoutez que les dépassements se font sur des vitesses non négligeables- en moyenne dans une fourchette entre 60 et 90 km/h, pouvant parfois atteindre des vitesses sur autoroute, vous en arrivez à la conclusion suivante:

Chaque minute, chemin Croix-Bénite, l’usager automobiliste, cycliste ou piéton s’expose à des vitesses très souvent comprises entre 60 et 90 km/h, sur un axe limité à 50 km/h. 

Conclusions:

L’exemple du chemin Croix-Bénite est intéressant à plus d’un titre: associé à une pénétrante de plusieurs kms mais moins chargée que les portions congruentes, sa configuration en fait une route “driver friendly/coude sur la portière”: linéaire long, peu d’obstacles, peu embouteillée, pour aller et venir vers le coeur de la ville. Cela en fait aussi par conséquent une voie moins propice au développement de mobilités douces. Elle symbolise a minima la typologie des pénétrantes toulousaines qui posent tant de difficultés du fait de la largeur de la voirie – dont l’essentiel est destiné à la voiture.

Avant même de songer à y développer les modes de mobilité douce, il faudrait sans doute intervenir sur leur dangerosité. Une solution souvent mise en place par les Élu(e)s-sans trop réfléchir- est la pose de ralentisseurs. Pourtant une alternative plus pertinente serait de travailler sur ces typologies de pénétrantes centre-périphérie en cassant leur linéarité: par des obstacles visuels qui viendraient briser la visibilité, forçant l’automobiliste à ralentir. Rétrécissements, écluses, surélévations pour traversées piétonnes sont des solutions, qui permettent en plus un réaménagement urbain et aussi d’envisager un développement des mobilités douces de manière sécurisée.

En somme: pas de « transition écologique » sans repenser ces axes autrement. Finalement un radar pédagogique ça peut nous apprendre beaucoup de choses.

..et sur le même sujet je vous invite à consulter l’article page 14 publié par 2 Pieds 2 Roues.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *