100000 vélos électriques en attendant la 3e ligne de métro ?

Pour cette première édition de “Mai à vélo”, une question nous a traversé l’esprit : en attendant la 3ème ligne de métro, pourrait-on atteindre la même capacité de transfert modal vers des transports propres avec un service public de 100 000 vélos à assistance électrique ? Saugrenue au premier abord, il nous est apparu petit à petit que la question méritait d’être creusée. On nous objectera sans doute que les habitants ne sont pas prêts à se mettre au vélo. Et si on s’interrogeait sur les conditions nécessaires pour que cela soit possible plutôt que rester sur des idées préconçues ? Et si on leur posait la question plutôt que de parler à leur place ? C’est dans cette optique que nous avons essayé de rassembler les éléments de notre réflexion dans ce document. Ce plan est sans doute imparfait mais il a vocation à poser le débat publiquement pour l’améliorer et évaluer sa pertinence.

Nous proposons d’ailleurs à tous ceux que le sujet intéresse une soirée débat en ligne le jeudi  20 mai à 20h30. Vous pouvez nous contacter pour recevoir l’invitation par email ou utiliser ce lien pour l’ajouter à votre calendrier. Le lien de connexion sera aussi publié sur ce site.

Une version Google Doc de ce document existe pour ceux qui voudraient ajouter leurs questions et commentaires directement dans le document au fur et à mesure de la lecture.


Vidéo de présentation

Résumé de la note

Le Plan de Déplacements Urbains de l’agglomération toulousaine a été récemment annulé par le tribunal administratif car il n’avait pas exploré de scénarios alternatifs dans le processus de construction du plan. Ce plan était très focalisé sur la construction de la 3ème ligne de métro, un projet de 2,7Mds d’euros dont la mise en service a été décalée à 2028. Outre le fait que ce projet n’est pas encore financé, il est loin d’être suffisant pour atteindre dans le temps imparti les objectifs de réduction de la pollution et des émissions de gaz à effet de serre exigés par la Communauté Européenne, les Accords de Paris et par la loi de transition énergétique. On estime le nombre de déplacements journaliers sur l’agglomération à 4 millions dont 60% se font en véhicules à moteurs, représentant 56% des émissions de gaz à effet de serre sur le territoire. 
Il nous semble que l’urgence climatique impose de changer d’approche et de partir des objectifs à atteindre pour définir les solutions à mettre en place plutôt que de s’inscrire dans la continuité de ce qui a été fait jusqu’à présent. Le développement du vélo a été longtemps négligé alors qu’il offre un potentiel très important et largement sous-estimé pour répondre à une grande partie des besoins de mobilité des habitants. Compte tenu des enjeux, nous pensons qu’un service public de location longue durée de 100 000 vélos à assistance électrique pourrait offrir les mêmes capacités de déplacements que la 3ème ligne pour un investissement 15 fois moins important, un coût quasiment nul pour les utilisateurs et un calendrier de mise en œuvre bien plus rapide. L’ambition peut paraître démesurée, nous pensons qu’elle est réaliste si on compare la part modale du vélo sur notre agglomération (2%) avec d’autres villes du nord de l’Europe (près de 50% à Copenhague). La crise du COVID est l’occasion de mutations très fortes (développement du travail, retour à la campagne, …) qui offrent une opportunité sans précédent pour faire évoluer les habitudes de mobilité. Il est plus que jamais nécessaire d’enclencher un cercle vertueux vers une mobilité plus durable en repensant la circulation en ville, en réduisant l’espace accordé aux véhicules motorisés au profit des piétons et des cyclistes et en offrant une alternative simple et accessible à tous pour remplacer la voiture. Si cette proposition n’est certainement pas suffisante et n’exclut pas la réalisation de la 3ème ligne, elle permettrait à la collectivité d’amorcer la révolution des mobilités que la crise environnementale exige.


La note intégrale

Introduction

Le 22 janvier 2021, le tribunal administratif de Toulouse a annulé le Plan de Déplacement Urbain (PDU) de l’agglomération toulousaine adopté en 2018 au motif qu’il ne comportait pas de scénarios alternatifs au plan présenté avec un bilan avantages/inconvénients des différentes solutions envisageables. 

Cadrage du PDU de l’agglomération toulousaine par le préfet de Haute Garonne en Août 2015

En outre, le PDU était aussi contesté car il amenait à une augmentation des émissions de gaz à effet de serre de 9% sur le territoire toulousain à l’horizon 2030.

Nul ne pourra contester que les situations environnementales, sociales et économiques ont radicalement changé depuis l’élaboration du plan en 2016-2017, en particulier suite à la pandémie. Au-delà de la décision du tribunal, Tisséo aurait pu saisir cette opportunité de retravailler dès maintenant le PDU pour l’adapter aux nouveaux enjeux que Toulouse va rencontrer dans les prochaines années.  Tisséo a préféré faire appel de cette décision et fait valoir que le plan précédent adopté en 2012 pouvait tenir lieu de scénario alternatif.

Plutôt que de perdre encore du temps dans l’attente du jugement d’appel et à défaut d’actions de la collectivité, nous proposons ici un scénario alternatif. En 2011, c’est le rapport d’un étudiant de Sciences Po qui avait amené le projet d’une 3ème ligne de métro sur le devant de la scène. Nous espérons, avec cette note, faire vivre le débat public et apporter notre pierre à la réflexion pour permettre à Toulouse de sortir de l’immobilisme en matière de mobilités.

Des objectifs clairs

Depuis de nombreuses années, la question des transports est au centre d’enjeux multiples sur l’agglomération toulousaine :

  • D’abord, la croissance démographique et l’étalement urbain s’accompagnent d’une augmentation du nombre de voitures qui se traduit par une congestion du trafic de plus en plus marquée, sur les horaires d’entrée et de sortie de bureau mais aussi de plus en plus souvent en dehors. Une étude révélait début 2020 que Toulouse était la 2ème ville la plus embouteillée de France juste derrière Paris et que les toulousains perdaient en moyenne 158 heures par an dans les bouchons soit l’équivalent de 6 jours et 14 heures. 
  • Ensuite, le trafic routier est source de pollutions multiples : pollution de l’air (dioxyde d’azote, particules fines), pollution sonore et émissions de gaz à effet de serre. Ainsi, dans la métropole Toulousaine, ce sont 6000 à 10000 habitants qui sont exposés à un niveau moyen de dioxyde d’azote supérieur au seuil de protection de la santé défini par l’Organisation Mondiale de la Santé. Une étude récente estime que cela provoque la mort de 185 à 362 Toulousains par an. C’est pour cette raison que la Communauté Européenne a exigé que la France mette en place des Zones à Faible Emissions (ZFE) restreignant la circulation des véhicules les plus polluants dans 22 villes dont Toulouse.
Carte de la pollution à Toulouse
Calendrier de mise en place de la ZFE à Toulouse

  • Par ailleurs, pour s’aligner sur les objectifs de l’Accord de Paris et conformément à la loi de transition énergétique, la métropole toulousaine doit diminuer de 40% les émissions de gaz à effet de serre sur son territoire par rapport au niveau de 1990. Or, les transports routiers représentent 56% de ces émissions qui ont stagné dans les 10 dernières années comme le présente le graphique ci-dessous. Le nombre de déplacement journalier sur l’agglomération toulousaine est estimé à 4 millions dont 60% sont effectués au moyen d’un véhicule thermique soit 2.4 millions. C’est donc au minimum 1 million de déplacements qui doivent être transférés vers un mode propre d’ici 2030 pour atteindre l’objectif de -40%.
Evolution des émissions de gaz à effet de serre sur Toulouse Métropole (extrait du PCAET)

  • Enfin, il y a une attente de plus en plus forte des habitants pour “apaiser” la ville : ralentir les flux de circulation pour réduire le bruit et rendre les déplacements plus sûrs pour les cyclistes et les piétons, piétonniser les abords des écoles pour sécuriser les trajets des enfants, libérer les rues du stationnement de véhicules pour regagner de l’espace public

Un plan de déplacement urbain pour notre agglomération doit s’attaquer prioritairement à ces problématiques. Ces objectifs sont connus depuis longtemps mais les résultats des années passées montrent qu’ils n’ont pas été pris avec suffisamment de volontarisme. Au vu du retard pris ces dernières années, il n’est plus possible de se contenter de demi-mesures et il est impératif de s’engager résolument sur la mise en œuvre de solutions ambitieuses. 

Réduire la place de la voiture

Quel que soit l’angle retenu pour aborder la question de la mobilité urbaine,il est évident que le transport routier des professionnels et des particuliers y joue un rôle central. De façon simple, il “suffirait” de réduire de moitié le trafic routier pour résoudre l’ensemble des problèmes précédemment cités. Aucune autre solution ne peut atteindre pareille efficacité. Le développement des véhicules électriques par exemple, est tributaire du renouvellement de la flotte et s’étendra sur 15 à 20 ans. Il ne répond donc pas à l’impératif d’urgence de la crise climatique et de la pollution atmosphérique. Par ailleurs, il ne réduira pas l’engorgement des routes et n’apporte pas de solutions aux attentes des habitants sur le réaménagement de l’espace public.

Il n’y pas d’autre voie possible que de réduire très largement la place de la voiture dans nos déplacements. Cela doit constituer la ligne directrice du futur plan de mobilité. Il est nécessaire de repenser l’aménagement urbain pour avantager clairement les solutions alternatives que sont les modes doux (marche, vélo) et les transports en commun. Cela se traduira par des contraintes nouvelles sur la circulation automobile mais c’est désormais le seul moyen d’atteindre les objectifs énoncés pour haut dans le calendrier imparti. Il faut avoir le courage et l’honnêteté de le dire aux habitants. Depuis plus de 50 ans, tout a été fait pour favoriser la voiture et lui donner une place prépondérante dans la ville, il est temps de faire le mouvement inverse et de rééquilibrer le partage de l’espace public avec les autres modes.

Les exemples plus ou moins récents ne manquent pas pour démontrer la réussite d’une telle approche :

  • Aux Pays Bas, dans les années 70, pour répondre à la crise pétrolière, la circulation dans les villes a été revue pour que les déplacements à vélo soit toujours plus rapides que les déplacements en voiture, engageant ainsi le développement d’une véritable culture cycliste dans la population
  • Dans la ville de Gand en Belgique, le plan de circulation a été revu en 2016 pour éliminer le trafic de transit conduisant à une réduction de la pollution de 12%
Nouveau plan de circulation de la ville de Gand découpé en quartiers

  • Depuis 2014, Barcelone expérimente le concept de SuperIlôts pour piétonniser les rues d’un bloc d’habitations. Le concept va être étendu largement dans la ville.
Le principe des SuperÎlots à Barceleone

Les avantages induits

Outres les gains en terme de qualité de l’air et d’apaisement de l’espace public, la réduction du trafic routier en ville et le développement des mobilités douces génèrent des bénéfices complémentaires pour la société :

  • Elle favorise le commerce de proximité et contribue à revitaliser la vie de quartier comme l’ont montré de nombreuse études
  • Elle permet de gagner de l’espace public pour déployer des aires de jeux ou de promenade, des voies de bus et des vraies pistes cyclables pour répondre au légitime besoin de sécurité exprimé par les utilisateurs du vélo en ville
  • Elle encourage l’activité physique et a des effets mesurables sur la santé de la population, permettant ainsi de faire faire des économies à la Sécurité Sociale
  • Elle permet aux habitants et à la collectivité de faire des économies et libère du budget pour d’autres achats ou investissements

La question de l’acceptabilité sociale

Évidemment, réduire de 40% le trafic routier dans l’agglomération en quelques années nécessite une évolution rapide des comportements. S’il y a fort à parier que de nombreux habitants soutiendront d’emblée une telle mesure, elle risque aussi de susciter l’opposition d’une partie de la population, au moins dans un premier temps. L’expérience passée (interdiction de fumer dans l’espace public, piétonnisation de la rue d’Alsace Lorraine) a montré que des décisions parfois peu populaires initialement se transformaient souvent en évidences par la suite. Il y a donc des aspects liés à la psychologie humaine et à la sociologie à prendre en compte dans l’élaboration d’un nouveau plan de mobilité pour gagner l’adhésion du plus grand nombre. Il n’est plus possible de parier sur une prise de conscience ou une évolution naturelle des comportements qui verrait les habitants et les entreprises abandonner l’usage de la voiture ou des véhicules motorisés. Il faut au contraire réaménager radicalement la ville pour engager le mouvement de transformation avec les habitants. Pour que ce changement ne soit pas vu uniquement comme une contrainte, il convient de respecter certains principes.

D’abord, le principe d’équité sociale : l’ensemble de la population, toutes classes sociales confondues, doit être concerné par l’effort d’adaptation. C’est le reproche fréquemment adressé aux Zones A Faibles Emissions qui interdisent la circulation des véhicules les plus anciens et les plus polluants plus communément en possession de foyers à faible revenus. C’est aussi l’inconvénient majeur des péages urbains dont le tarif est identique pour tous les habitants quel que soit leur niveau de revenu. Réduire l’espace de la voiture dans la ville impactera tous les véhicules, quel que soit le niveau de vie du conducteur. Au passage, tordons le cou à l’idée fausse qui consiste à penser que les foyers modestes habitent majoritairement en périphérie de Toulouse et sont donc plus dépendants de leur voiture. Comme le montre la carte ci-dessous, le revenu médian est plus faible dans Toulouse que dans les communes environnantes.

Revenu médian par unité de consommation par ménage, par commune – Toulouse et périphérie, 2011 (Source : INSEE/www.colino.net)

L’éloignement domicile-travail et la part modale de la voiture augmentent en fonction des revenus des ménages :

Toujours dans cette idée d’assurer l’équité sociale, il faut penser d’entrée un déploiement à grande échelle sur l’ensemble de la ville pour ne pas laisser penser que seuls certains quartiers seraient mis à contribution. C’est aussi un moyen d’avancer plus vite dans la mise en œuvre du plan et de créer les conditions d’une prise de conscience massive, indispensable compte-tenu de l’urgence à agir.

Il est possible de transformer la contrainte en opportunité si des solutions alternatives facilement accessibles à tous, sans distinction sociale, sont proposées de façon concomitante. La diversité des situations individuelles rend cet objectif difficile à atteindre, néanmoins il doit être pris en compte au moment d’arbitrer entre différentes solutions.

Pour assurer l’adhésion de la population, il est enfin indispensable d’associer les habitants à toutes les phases de la construction du projet.

Développer le vélo

Résumons les données du problème : nous cherchons une alternative aux véhicules routiers qui puisse être mise en œuvre rapidement à l’échelle de la métropole de Toulouse et qui soit accessible à la majorité de ses habitants pour couvrir des distances de quelques kilomètres. 

Le PDU récemment annulé misait beaucoup sur la 3ème ligne de métro, un chantier à 2,7Mds€ qui permettrait d’assurer 200 000 voyages par jour mais n’arrivera pas avant 2028. Nous pensons que la métropole toulousaine pourrait atteindre les mêmes objectifs et pour moins cher en mettant en place un service public de 100 000 Vélos à Assistance Electrique (VAE) offert aux toulousains pour une somme très modique. 

Pourquoi des vélos ?

  • Parce que 7% des actifs utilisent le vélo à Toulouse, alors que 16% le font à Grenoble. En 2013, sa part modale était estimée par Tisséo à 2% alors qu’elle est de 49% à Copenhague. Il y a donc un potentiel de développement du vélo très important à Toulouse.
  • Une récente étude de l’INSEE montre que 70% des personnes qui prennent leur voiture pour aller au travail font des trajets de moins de 5 km. Dans l’enquête déplacement de 2013, la distance moyenne tous déplacements confondus était de 6km. En vélo, des distances jusqu’à 10 km sont facilement couvertes, probablement même plus rapidement qu’en voiture en milieu urbain.
Part modale selon la distance dans l’agglomération toulousaine (AUAT-2013)

  • Un service vélo est une solution qui peut être déployée rapidement, en 2 ou 3 ans sur une agglomération comme Toulouse. Il se vend environ 2,5 millions de vélos par an en France, il est donc possible d’en approvisionner 100 000 de plus sans révolution industrielle et logistique. 
  • Sur le plan de l’efficacité énergétique, le vélo est le véhicule le plus performant, ce qui est un argument essentiel dans une optique de transition écologique et de sobriété
Efficacité énergétique des différents moyens de transport

Dans les cadre d’une étude sur “La ville du quart d’heure”, des étudiants du master SIGAT à Rennes ont récemment comparé l’accessibilité aux lieux et services essentiels liés à 6 fonctions sociales (S’approvisionner, Habiter, Apprendre, S’épanouir, Etre en forme, Travailler) entre le vélo et les transports en commun (incluant la 3e ligne). Les deux cartes ci-dessous montrent clairement l’avantage du vélo :

Accessibilité en transports en communs
Accessibilité en vélo

Pourquoi des Vélos à Assistance Electrique ?

  • Parce qu’ils permettent de passer facilement les côtes que l’on peut rencontrer sur le territoire toulousain
  • Parce qu’ils permettent de parcourir des distances plus grandes qu’avec un vélo classique, notamment en périphérie urbaine et sans avoir besoin de prendre de douche à l’arrivée
  • Parce que l’assistance est bienvenue que le vent d’Autan souffle de face
  • Parce qu’ils rendent le vélo accessible au plus grand nombre d’habitants, malgré l’âge, la fatigue ou la faiblesse physique
  • Parce qu’ils peuvent aider à transporter plus facilement des charges allant jusqu’à 50kg comme des enfants ou des courses et constituent donc une alternative à la voiture dans un plus grand nombre de situations

Pourquoi en location longue durée?

  • Parce que la location longue durée permet de considérer le vélo comme un moyen de transport public au même titre que le métro ou le bus et donc de le faire financer par la collectivité pour diminuer son coût pour les habitants
  • Parce qu’elle permet aux habitants d’expérimenter le vélo à assistance électrique au quotidien sans engagement et sans avoir à débourser 2000€ pour acheter un vélo
  • Parce qu’elle permet de rendre le vélo à assistance électrique accessible à tous les revenus, même les plus modestes, et a plus de sens que de subventionner l’achat de vélos
  • Parce que son coût de fonctionnement est 10 fois moins élevés que les vélos en libre service (300 à 400€/vélo/an au lieu de 2500 à 4000€). Il est donc possible de proposer 10 fois plus de vélos pour le même budget.
  • Parce qu’elle permet de responsabiliser les utilisateurs, et d’assurer la pérennité des vélos, contrairement aux vélos en libre service qui sont fréquemment dégradés
Etude de l’ADEME sur les services de location longue durée de vélos électriques

Pourquoi 100 000 ?

  • Parce que 100 000 VAE qui font un aller-retour par jour représentent 200 000 trajets quotidiens, autant que la 3è ligne de métro mais répartis sur l’ensemble du territoire et non circonscrits à un tracé
  • Parce qu’en 2015, le préfet dans sa lettre de cadrage du PDU avait lui même insisté sur l’importance de l’étude de scénarios “contrastés” pour évaluer clairement les forces et faiblesses de chaque scénario
  • Parce que 100 000 est un chiffre qui traduit l’ambition du changement attendu et le volontarisme de la collectivité. Ce n’est finalement que 10 fois plus de vélo que le service Métrovélo sur la métropole de Grenoble et 5 fois plus que le service Véligo sur l’aire du Grand Paris. Nul doute qu’un tel chiffre assurerait une certaine renommée à Toulouse nationalement et internationalement.
  • Parce que 100000, c’est exactement le nombre de vélos que l’on pourrait financer avec la subvention de l’Etat de 200M€ à la 3e ligne de métro, ce plan pourrait donc ne rien coûter à la collectivité en investissement

Et pour ceux qui s’inquièteraient de voir tous ces vélos envahir nos rues, il faut avoir conscience que 100 000 vélos répartis sur les 458km2 de notre Métropole ne représentent finalement que 218 vélos par km2, soit à peine plus de 2 vélos dans un carré de 100m de côté. Autant dire qu’il y a encore de la marge avant de saturer l’espace urbain.

Comparaison chiffrée

Nous proposons ci-dessous quelques chiffres permettant de comparer la solution “3ème ligne de métro” à la solution “100000 VAE” :

3e ligne de métroVAE en location
Service proposé27km
21 stations
40 km/h (arrêts inclus)
40 minutes pour faire toute la ligne
100000 vélos à assistance électrique (assistance jusqu’à 25km/h)
entretenus 2 fois par an
Trajets200 000 voyages/jour8,6 Mkm commerciaux (distance parcourue par les rames) par an80M validations/an+200 000 voyages/jour1500km/vélo/an (moyenne ADEME) soit 150Mkm parcourus/an pour la flotte
15 trajets/vélo/semaine75M trajets/an
Investissement2700 M€ (dont 200 M€ de subvention de l’Etat, la Région, le Département ne se sont pas encore engagés formellement)200M€ (2000€/vélo)
Exploitation50M€/an15M€ à 30M€/an (150€ à 300€/vélo/an)
Emplois?300 emplois pour l’exploitation (principalement techniciens vélos)
300 emplois pendant 3 ans pour la fabrication si fabrication locale
Consommation électrique46.2MkWh1.5 MWh (0.01kWh/km parcouru)
Empreinte carbone fabrication/construction1 080 000T CO2eq (source Carbone 4 pour Grand Paris)13 440T CO2eq (source ADEME)
Emissions évitées?19 500 tonnes de CO2

A capacité équivalente, la solution vélo est donc 13 fois moins chère en investissement et 3 fois moins chère en fonctionnement pour une consommation électrique 30 fois moins importante. Sa mise en place émet 80 fois mois de CO2. Elle offre aussi des opportunités de développement économique pour notre région grâce aux emplois créés par l’exploitation du service et par la fabrication locale des vélos et des abris vélos. C’est une opportunité pour répondre à la crise de l’aéronautique et au nécessaire besoin de diversification de notre industrie.

Comment y parvenir ?

Nous avons donc vu qu’une large flotte de vélos à assistance électrique peut constituer une réponse efficace pour répondre aux problématiques auxquelles Toulouse et son agglomération doivent faire face à très courte échéance. L’avantage de cette solution par rapport à d’autres et d’être particulièrement “légère” à mettre en œuvre et de s’appliquer à l’ensemble du territoire, ville-centre et périphérie.

Il faut néanmoins veiller à développer de véritables infrastructures pour séparer les flux cyclistes des flux piétons et de véhicules. La sécurité des infrastructures est un des principaux freins à l’usage du vélo. Cependant, en acceptant de réduire l’espace réservé à la voiture en ville, il devient beaucoup plus facile et moins coûteux d’aménager des pistes cyclables larges et sécurisées en requalifiant une voie de circulation automobile. Les expériences d’urbanisme tactique menées suite au confinement ont montré qu’il était possible de créer des voies cyclables de qualité à coût réduit et en très peu  de temps.

Il n’y a donc pas d’obstacles techniques à sa mise en œuvre à court terme, les freins principaux sont d’ordre psychologique. Comment convaincre 100 000 habitants d’abandonner la voiture pour leurs déplacements quotidiens au profit du vélo électrique ? Notre agglomération compte 1M d’habitants et 4M de déplacements par jour. 

Plutôt que de mettre en avant un discours écologiste culpabilisant, il semble plus efficace de miser sur le plaisir, le côté pratique et rapide du vélo. Beaucoup d’anciens automobilistes, après avoir expérimenté le vélo n’envisagent plus de reprendre leur voiture à moins de ne vraiment pas pouvoir faire autrement.

Il est aussi possible de faire valoir l’argument économique. Peu de gens s’en rendent compte mais une voiture coûte entre 5000 et 8000€ à l’année tous frais compris (achat, entretien, assurance, essence). Et il faut s’attendre à voir le coût de l’essence augmenter encore dans les prochaines années. Si l’utilisation du vélo permet de se passer de la possession d’une 2ème voiture par exemple, c’est immédiatement 5000€ de pouvoir d’achat en plus. A titre de comparaison, on pourrait envisager un abonnement annuel pour un VAE de l’ordre de 100€ à 200€ dont 50% pourrait être pris en charge par l’employeur. Cela couvrirait les frais d’assurance du vélo et une partie de son entretien. Le reste serait pris en charge par la collectivité comme c’est le cas pour les transports en commun où l’usager ne paye directement que 20% du prix réel du service (source Tisséo). Le coût de l’électricité pour recharger la batterie  serait évidemment à la charge de l’utilisateur mais ne dépasse pas 5 € pour effectuer 2000 km dans l’année. Un tel service serait donc la moins chère des solutions pour la collectivité et pour les usagers après la marche. Proposer une solution alternative à coût quasiment nul pour les habitants peut être un facteur clé pour favoriser l’acceptation sociale des contraintes appliquées aux véhicules motorisés et l’adoption du vélo. 

Enfin, pour opérer une transformation, il est souvent nécessaire de convaincre 10 ou 15% d’une population avant que l’effet d’entraînement social agisse et permette un basculement de grande ampleur. Les changements de comportement sont souvent liés à des événements ou des transitions de vie importants, comme un déménagement, la naissance d’un enfant ou un changement d’emploi. C’est à coup sûr un paramètre à prendre en compte pour cibler les premiers habitants à embarquer pour amorcer la transformation et définir des mesures d’accompagnement. La crise du COVID a été le déclencheur d’un véritable bouleversement des habitudes dans certaines villes comme Paris, preuve qu’il est possible d’opérer des changements rapides si les collectivités accompagnent le mouvement. Les entreprises ont aussi un rôle à jouer et ont les moyens d’inciter leurs salariés à utiliser le vélo (forfait mobilité durable, parkings couverts).

Le financement

Trouver 200 M€ d’investissement et 20M€ annuels pour le fonctionnement ne devrait pas constituer un problème pour une ville qui s’apprête à engager 2,7 Mds€ dans la construction de la 3ème ligne de métro. Les opportunités ne manquent pour trouver le budget nécessaire au développement d’un tel service :

  • Faire appel aux financements du Département (102M€ prévus pour la 3ème ligne), de la Région (125M€ prévus), de l’Etat (200M€ annocés récemment) ou de l’Europe
  • Taxer les parkings des centres commerciaux comme cela se fait en Ile-de-France
  • Réallouer le budget consacré au développement des infrastructures routières. A titre d’exemple, la future jonction Est coûtera 54M€ à Toulouse Métropole
  • Réallouer les subventions de la collectivité à l’achat de voitures ou de véhicules électriques
  • Renégocier le budget VéloToulouse (5.5M€ par an pour 2400 vélos)
  • Coupler ce nouveau service vélo à un programme d’émissions de Certificats d’Economie d’Energie
  • Prélever une partie des 25 M€ prévus pour le développement du vélo dans le schéma directeur cyclable de Toulouse Métropole et qui ne semblent pas réellement dépensés au vu du peu de nouvelles pistes cyclables réalisés (7km en 2019)

Par ailleurs, il convient de noter que la location longue durée de vélo proposée comme un service de transport public est éligible au remboursement de 50% de l’abonnement par les entreprises, au même titre que les transports en commun. Cela permet de mettre à contribution les entreprises sans compter sur une éventuelle augmentation du versement transport. Cette participation financière des entreprises serait facilement compensée par les gains d’efficacité que procure la pratique du vélo aux employés : réduction du stress, meilleure ponctualité, diminution des arrêts maladie, …

Il y a beaucoup de débats autour de la gratuité des transports en commun qui impacterait forcément le budget des métropoles (100M€ annuels à Toulouse). La mise à disposition gratuite de vélos à assistance électrique est atteignable pour un budget 5 fois moins élevé.

Conclusion

Nous avons démontré qu’une politique vélo ambitieuse basée sur un véritable service public de vélo à assistance électrique pouvait constituer une partie de la solution pour répondre aux enjeux auxquels notre métropole doit faire face dans les prochaines années. Elle a l’avantage d’être abordable pour la collectivité et de pouvoir être déployée à court terme à un coût très réduit pour l’usager. A défaut d’être universelle, elle a le mérite d’être ouverte à la majorité des habitants. Pour assurer sa réussite, la collectivité doit cependant l’accompagner d’une politique volontariste de réduction de la circulation de véhicules (nouveau plan de circulation, ville à 30km/h, rue scolaires, réduction du trafic de transit dans les quartiers, réduction du nombre de voies de circulation, sens unique) et du déploiement d’infrastructure cyclables sécurisées (pistes cyclables et parkings). Pour atteindre nos objectifs environnementaux, cette solution doit être complétée par d’autres projets, notamment pour la logistique urbaine et les déplacements au-delà de 10km (RER). Comme nous avons essayé de l’illustrer dans cette étude, c’est sur la base de solutions pragmatiques, radicales et ambitieuses que doit être reconstruit un nouveau PDU.

Sources

3 thoughts on “100000 vélos électriques en attendant la 3e ligne de métro ?

  1. Pour réduire la part des déplacements automobiles, il faut certes avoir une politique volontariste vélos ….et une politique de transports en commun mais il ne faut pas oublier l’indispensable politique Piétons que vous avez oubliée dans votre démonstration
    – aménagements spécifiques Piétons
    – pédagogie
    – politique de verbalisations au quotidien des polices nationales et municipales à l’encontre des cyclistes et des trottinettistes qui circulent illégalement sur les trottoirs et ce pour protéger les piétons, notamment les plus fragiles.
    …..
    Richard Mébaoudj

    1. Bonjour Richard,
      Les piétons sont quand même mentionnés à 3 reprises dans notre document. Notre angle de vue était le vélo parce qu’il permet de parcourir de longues distances en peu de temps et offre un bon moyen de substitution à la voiture en ville et en zone péri-urbaine. Mais nous ne négligeons pas la marche pour autant qu’il faut aussi développer. C’est pour cela que nous proposons dans le document de revoir entièrement le plan de circulation de Toulouse pour éliminer le trafic de transit et libérer ainsi de l’espace pour le vélos et pour les piétons (en évitant de mélanger les flux à chaque fois que c’est possible).

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