Un Plan de Déplacements Urbains à la hauteur de l’urgence climatique

Vidéo de présentation

Introduction

Le 22 janvier 2021, le tribunal administratif de Toulouse annulait le Plan de Déplacement Urbain (PDU) de l’agglomération toulousaine adopté en 2018 au motif qu’il ne comportait pas de scénarios alternatifs au plan présenté avec un bilan avantages/inconvénients des différentes solutions envisageables. Le PDU était aussi contesté car il amenait à une augmentation des émissions de gaz à effet de serre de 9% sur le territoire toulousain à l’horizon 2030 alors que la Loi pour la Transition Énergétique fixe un objectif de réduction de 40% par rapport à 2008.

Outre ces deux points majeurs, la Mission Régionale d’Autorité environnementale, jugeant l’impact environnemental du PDU “décevant” avait aussi accompagné son avis [21] d’une série de 20 recommandations restées lettre morte.

En Mai 2021, les Faiseurs de ville formulaient une proposition argumentée pour un plan de 100000 vélos à assistance électrique (VAE) financés par la collectivité afin d’enclencher la transition vers des moyens de transport décarbonés sans attendre l’entrée en service de la 3ème ligne de métro en 2028. Le projet présenté démontrait le potentiel du vélo largement sous exploité dans le PDU et son efficacité pour se substituer à la voiture individuelle pour les déplacements urbains. Le document insistait en conclusion sur le fait que ce plan ne pouvait suffire pour atteindre les objectifs ambitieux de réductions des gaz à effet de serre liés aux transports routiers.

Pour aller plus loin, ce nouveau document propose d’étudier un scénario global de transition des déplacements pour la grande agglomération toulousaine qui permette de répondre aux enjeux climatiques en partant des besoins des habitants. Nous espérons, avec cette note, faire vivre le débat public et alimenter la réflexion sur le futur PDU.

Avertissement

Cette note présente un scénario prospectif parmi d’autres possibles. Il est certainement incomplet, critiquable et perfectible et tous les commentaires constructifs sont les bienvenus. Nous espérons qu’il pourra inspirer d’autres que nous pour élaborer leurs propres scénarios. Pour l’établir, nous nous sommes appuyés sur un modèle simple de déplacements afin d’évaluer l’impact sur les émissions. Ce modèle est consultable en ligne [19].

L’origine des chiffres utilisés est précisée dans la suite de cette note et certains peuvent être sujets à discussions pour diverses raisons :

  • Soit parce qu’ils sont déjà anciens (chiffres de l’enquête ménage déplacements de 2013) ou ont été publiés à des dates différentes
  • Soit parce qu’ils font encore débats (émissions d’un véhicule thermique ou électrique en cycle urbain)
  • Soit parce qu’ils concernent un périmètre qui ne correspond pas parfaitement à celui de l’agglomération toulousaine (PCAET vs PDU)
  • Soit parce qu’ils sont le fruit d’enquêtes ou d’estimations plutôt que le résultat de mesures sur le terrain

En tout état de cause, il nous semble que ces approximations ne remettent pas en cause les ordres de grandeurs considérés et la validité du scénario proposé.

Par ailleurs, nous avons fait le choix de ne pas prendre en compte l’évolution possible de la population à la hausse ou à la baisse bien que le Plan Climat Air Energie Territorial (PCAET) fasse l’hypothèse d’une augmentation annuelle de 1,1%. Il nous a semblé que cette hypothèse devait être reconsidérée suite à la crise du COVID et que l’ajout de ce facteur pourrait nuire à la lisibilité du scénario proposé. Le scénario ci-après est donc à population constante et pourra faire l’objet d’une mise à jour pour ajouter ce facteur par la suite.

Les émissions des transports routiers

Les objectifs

La Loi de Transition Énergétique pour la Croissance Verte (LTECV) fixe comme objectif

national de réduction des gaz à effet de serre de -40% en 2030 (et -75% en 2050), par rapport à 1990. Les émissions de Toulouse Métropole n’étant pas disponibles avant 2008, c’est cette année qui sert de référence et l’objectif est donc de réduire les émissions de 40% par rapport à 2008. Pour les déplacements, l’ambition affichée est qu’un déplacement sur 2 soit effectué autrement qu’en véhicule motorisé thermique individuel à l’horizon 2030 [1]. Décliné par secteur, c’est une réduction de 44% pour les déplacements de personnes qui est visée en 2030 (-35% pour le fret) pour l’agglomération (-28% au niveau national pour les transports selon la Stratégie Nationale Bas Carbone [23]).

L’état des lieux

Le document des chiffres clés de Toulouse Métropole 2021 [4] présente l’évolution des émissions entre 2008 et 2019 et montre que celles-ci sont stables voire en légère augmentation:

Nous prendrons donc la valeur de 3 100 000 T CO2eq comme référence de 2008 pour les émissions de gaz à effet de serre de la Métropole. Le PDU fait état d’émissions totales égales à 4 200 000 T eq CO2 pour l’agglomération en 2013.

Le Plan de Déplacements Urbains (PDU) de 2018 précise la répartition des émissions de gaz à effet de serre par secteur. Les transports représentent 56% du total justifiant ainsi la nécessité de s’y attaquer de façon prioritaire et volontariste.

Au sein de ces 56%, les déplacements des véhicules légers représentent 62%, soit 35% des émissions totales.

On peut donc estimer que les émissions liées aux véhicules légers sont de 1 085 000 T eq CO2 pour la métropole et de 1 470 000 T eq CO2 pour l’agglomération.

Le rapport de l’AUAT sur l’Enquête Ménages Déplacements de 2013 [5] donne aussi les chiffres suivants pour l’agglomération :

  • 1,1 million d’habitants
  • 514000 ménages
  • 522000 emplois
  • 647000 voitures
  • Taux d’occupation des voiture égale à 1,34
  • 3,8 déplacement par personne et par jour
  • 3,8 millions de déplacements par jour dont 2 280 000 en voiture :
  • Une distance moyenne pour les déplacements en voiture de 7 km
  • Des distances parcourues en voiture inférieures à 5 km dans 54% des déplacements

Dans la suite de cette note, nous nous concentrerons sur les déplacements des habitants en voitures individuelles qui représentent la part la plus importante des émissions de l’agglomération et présentent un potentiel important de transfert vers des mobilités décarbonnées. Nous utiliserons les valeurs données par l’ADEME [8] pour calculer l’impact environnemental de chaque déplacement.

Il est à noter que ces chiffres ne tiennent pas comptent des émissions liées à la fabrication des véhicules ou à la construction des infrastructures qui sont loin d’être négligeables. Nous y reviendrons plus loin dans le document.

En tenant compte des chiffres précédents, on peut calculer les émissions de CO2 engendrées par les 2 280 000 déplacements journaliers effectués en voiture :

Emissions annuelles = 365*Déplacements journaliers/Taux d’occupation*Distance moyenne*Taux d’émissions

Emissions annuelles = 365*2280000/1.34*7*0.193

Emissions annuelles = 839 031 T eq CO2

Ce résultat présente une différence avec le chiffre des émissions attribuées au véhicules légers au niveau de l’agglomération : 1 470 000 T eq CO2. Cette différence peut s’expliquer par la différence des modes de calcul : le nombre de déplacements se base sur les déclarations des habitants lors de l’enquête alors que les calculs d’émissions se basent quant à eux sur des mesures de trafic. L’enquête ménage déplacement ne prend pas en compte les déplacements professionnels en véhicules légers qui contribuent aussi aux émissions de transports. Il faut aussi noter que le trafic de transit n’est pas intégré dans les chiffres de l’enquête. La différence semble néanmoins très importante et pourrait laisser penser que le nombre de déplacements en voiture est sous-estimé. Faute de mieux, nous utiliserons néanmoins les chiffres issues de l’enquête ménage déplacements. Ce point méthodologique mériterait d’être creusé avec l’AUAT et ATMO Occitanie.

Les alternatives pour décarboner les transports

Compte tenu de l’urgence climatique et des objectifs que s’est fixé la France, la priorité du nouveau PDU doit donc être de faire évoluer les modes de déplacements des habitants de l’agglomération pour atteindre l’objectif de diminution des émissions de 44% d’ici 2030. Dans la suite de cette note, nous allons donc étudier le potentiel d’évolution des principaux modes de transport, notamment pour remplacer les véhicules thermiques.

Le véhicule thermique neuf

Les véhicules thermiques les plus récents consomment moins de carburant que la moyenne de la flotte actuelle. Un petit véhicule urbain essence neuf émet 100g eqCO2/km à comparer aux 193g eqCO2/km donnés par l’ADEME pour une voiture moyenne. Le remplacement d’une partie du parc automobile peut donc permettre de réduire les émissions sans réduire le nombre de voitures. Le parc des véhicules particuliers se renouvelle de 3% chaque année (c’est le chiffre retenu par le cabinet B&L évolutions pour son calculateur Mission Climat [10]). Il y a donc un potentiel de renouvellement de 19000 véhicules par an. Si on se projette à l’horizon 2030, voici l’impact de ce renouvellement sur les émissions des transports des particuliers :

Cette solution ne réduit les émissions que de 12% et ne permet donc pas d’atteindre l’objectif fixé par la loi.

Le véhicule électrique

D’après l’ADEME, une voiture électrique utilisée en France émet 20g eqCO2/km et présente donc un fort potentiel de réduction des émissions surtout dans un pays comme la France où la production d’électricité est peu carbonée. Leur coût reste cependant élevé et leur production limitée même si le marché est en forte croissance. On ne peut pas faire l’hypothèse que tous les véhicules neufs seront électriques dès 2022 mais on peut imaginer une augmentation de leur part jusqu’à atteindre 100% des voitures neuves en 2030. Cette hypothèse est optimiste par rapport à la Stratégie Nationale Bas Carbone [23] qui prévoit la fin de la vente des véhicules thermiques en 2040. Dans le même temps la Norvège prévoit l’arrêt de la vente des voitures thermiques dès 2025.

L’impact environnemental de ce choix est illustré dans le graphique ci-dessous :

Avec l’ajout de cette solution (-5,2%), les émissions diminuent de 17,2% et l’objectif fixé par la loi n’est pas atteint .

La 3ème ligne de métro et les transports en commun

La page de présentation de la 3ème ligne de métro sur le site de Toulouse Métropole [13] évalue sa fréquentation à 220 000 passagers par jour. C’est nettement plus que la fréquentation des lignes A et B qui était proche de 160 000 validations par jour pour chacune d’elle avant la crise sanitaire. La 3ème ligne est cependant plus longue (27 km) et comporte plus de stations (21) ce qui peut expliquer cette différence de fréquentation. Il va de soi que les passagers de la 3ème ligne de métro ne seront pas tous des nouveaux utilisateurs des transports en commun. Certains utiliseront la 3ème ligne en remplacement d’une ligne de bus, certains utiliseront plusieurs lignes de métro pour un seul déplacement. Estimer que la 3ème ligne de métro permettra de convertir 220 000 déplacements journaliers en voiture par des déplacements en transports en commun est une hypothèse très optimiste. La moyenne des déplacements sur le réseau Tisséo était de 381 000 déplacements par jour en 2019. Cela représenterait donc une augmentation de la fréquentation de 57%. C’est néanmoins l’hypothèse que nous retiendrons en faisant le pari qu’une politique incitative forte et une densification du réseau permettra d’atteindre ce résultat. Cependant, ces bénéfices ne peuvent être comptabilisés avant 2028, date de la mise en service de la 3ème ligne. La répartition est la suivante :

  • 150 000 déplacements pour la 3ème ligne de métro
  • 20 000 déplacements supplémentaires pour les autres lignes de métro zt lz tramway
  • 50 000 déplacements supplémentaires pour les bus

Il faut noter que dans les chiffres de l’ADEME [8], les émissions du métro (2,5g CO2eq/km) prennent pour référence le métro parisien dont le taux d’occupation est probablement plus important que celui de Toulouse. En se basant sur les chiffres clés de Tisséo [9] et la distance moyenne d’un trajet en métro (8 km), on obtient le chiffre de 4,1g CO2eq/km. Par cohérence, on conservera néanmoins le chiffre de l’ADEME, la différence n’étant pas significative sur le résultat final.

Par ailleurs, les émissions pour le bus sont assez élevées selon l’ADEME, de l’ordre de 103g CO2eq/km. Il est possible qu’à l’horizon 2030 une partie de la flotte Tisséo ait été remplacée par des bus électriques qui permettraient de réduire leur impact.

Avec l’ajout de cette solution (-7,2%), les émissions diminuent de 24,4% et l’objectif fixé par la loi n’est pas atteint.

Le covoiturage

Avec un taux d’occupation des voitures de 1,34 personne par déplacement, il est sans doute possible d’améliorer le remplissage des véhicules pour limiter les déplacements de véhicules à niveau égale de déplacement des personnes. Des applications mobiles comme Karos expérimentée récemment dans le cadre du projet Commute et la mise en place d’aires de covoiturage sont autant d’éléments qui peuvent encourager cette pratique. Réserver des places de parking dans les entreprises aux covoitureurs ou autoriser l’utilisation de certains axes de circulation aux seuls bus et véhicules de 2 passagers et plus constituerait un message fort pour accélérer le développement du covoiturage. On prendra ici l’hypothèse que cet effort peut permettre de convertir 100 000 déplacements à une moyenne de 2 passagers par voiture plutôt qu’1,34.

Avec l’ajout de cette solution (-1,3%), les émissions diminuent de 25,7% et l’objectif fixé par la loi n’est pas atteint.

La démobilité et la marche

Outre la possibilité de substituer un véhicule par un autre moins émissif, il est aussi possible de réduire le nombre de ses déplacements ou de les raccourcir pour les rendre accessibles à pied. 

  • Télétravailler depuis chez soi 1 ou 2 fois par semaine pour les emplois qui le permettent. L’AUAT estime dans son rapport “l’autre demain” [7] qu’un quart des emplois pourraient être effectués à distance. Un rapport de l’ADEME de 2016 évaluait que le télétravail permet de réduire de 30% l’impact environnemental des trajets domicile-travail. L’agglomération représente un bassin de 522 000 emplois, soit 130 000 emplois télétravaillables, ce qui peut permettre de faire disparaître 100 000 déplacements par jour à raison de 2 jours de télétravail par semaine. Cependant, le développement du télétravail présente le risque d’un effet rebond qui conduirait les travailleurs à s’éloigner de leur lieu de travail et qui viendrait annuler les bénéfices des jours de travail à domicile par des trajets plus longs les autres jours.
  • Aller faire ses courses à pied dans les commerces de proximité plutôt qu’en voiture dans un centre commercial de périphérie. On comprend l’intérêt du concept de ville du quart d’heure” développé par Carlos Moreno [15].
  • S’organiser pour grouper plusieurs déplacements en un seul, faire des grosses courses une fois par semaine plutôt que 2 par exemple.

Il faut mentionner ici une solution qui peut jouer un rôle important dans la démotorisation des déplacements : l’autopartage. Comme le souligne une étude du Shift Project [22], l’adhésion à un service d’autopartage s’accompagne souvent d’une modification des habitudes de mobilité, tels qu’une relocalisation du mode de vie ou des reports modaux de la voiture vers des modes moins carbonés. A Toulouse, le parc des véhicules en autopartage (Citiz et Iodines) compte une centaine de véhicules ce qui reste très faible au regard de la taille du parc automobile (647 000 véhicules). Il y a donc un potentiel à exploiter, notamment dans Toulouse, pour développer l’autopartage et encourager la démotorisation.

Au global, nous prendrons l’hypothèse que 200 000 déplacements en voiture peuvent disparaître grâce à la démobilité ou à la marche. L’enquête ménages déplacements de 2013 avait d’ailleurs montré que le nombre de déplacements par jour et par habitant avait diminué depuis 2004 passant de 4,1 à 3,8, soit une baisse de 300 000 déplacements journaliers sur le territoire.

Avec l’ajout de cette solution (-6%), les émissions diminuent de 33,9% et l’objectif fixé par la loi n’est pas atteint .

Le RER toulousain

Nous manquons d’études et de données pour quantifier le potentiel de déplacements que pourrait apporter un RER sur l’agglomération toulousaine, cette solution ayant été négligée par la collectivité au profit de la 3ème ligne de métro. Dans les propositions de Rallumons l’Etoile [11], on trouve des chiffres allant de 100000 à 400000 voyageurs journaliers pour le réseau RER de taille équivalentes à Toulouse. Faute de mieux nous prendrons l’hypothèse raisonnable d’une montée en charge progressive à partir de 2025 pour atteindre 50000 déplacements journaliers en 2030 en remplacement de déplacements en voiture. C’est très proche de l’objectif du RER bordelais dont la 1ère ligne a été lancée début 2021 et qui vise 55 000 voyageurs par jour en 2028.

Avec l’ajout de cette solution (-2%), les émissions diminuent de 35,9% et l’objectif fixé par la loi n’est pas atteint .

Le vélo

Nous avons déjà souligné dans notre “plan 100000 vélos” à quel point le vélo à assistance électrique est une solution efficace et accessible au plus grand nombre pour remplacer la voiture. L’usage du vélo est largement moins développé à Toulouse où la part modale est évaluée à 2% que dans d’autres villes françaises comme Strasbourg (8%), Grenoble (5%) ou Bordeaux (4%), sans même comparer avec d’autres villes européennes comme Copenhague (55%), Amsterdam (44%), Florence (20%) ou Berlin (12%) [13]. L’exemple récent de Paris a montré comment une politique volontariste de déploiement d’infrastructures et de services pouvait accélérer le développement du vélo en un temps très court. Nous ferons l’hypothèse d’une multiplication par 4 des déplacements en vélo pour atteindre 400 000 déplacements par jour. Il va de soi qu’un tel objectif n’est atteignable qu’en développant rapidement un réseau dense de pistes cyclables sécurisées et séparées des flux de circulation de véhicules et de piétons. Cela exige de repenser intégralement le plan de circulation de la métropole. 

 Pour calculer l’impact environnemental, nous supposerons que tous ces déplacements sont faits en vélo à assistance électrique ce qui conduit à surestimer volontairement les émissions de ce mode de transport.

Avec l’ajout de cette solution (-12,6%), les émissions diminuent de 48,5% et l’objectif fixé par la loi est atteint. L’objectif de -44% du PCAET est lui aussi dépassé.

Bilan

La combinaison de toutes ces évolutions permet d’atteindre l’objectif de diminution de 44% des émissions liées aux transports des particuliers. Le nombre de déplacements en voiture diminue de 34% de et passe de 2 280 000 à 1 493 000 pour un total de 3 701 000 déplacements, ce qui paraît ambitieux mais réaliste sachant que 56% des déplacements en voiture font moins de 5 km. On remarquera que cette baisse des déplacements en voiture permettrait théoriquement de réduire la taille du parc de voitures des ménages de 647 000 à 414 000 ce qui pourrait libérer des places de stationnement dans nos rues pour développer des infrastructures cyclables et réaménager l’espace urbain (végétalisation, espaces de détente).

La part des autres modes de transport progresse en conséquence avec des efforts ambitieux sur le développement du vélo, de la marche et des transports en commun. Ces objectifs semblent accessibles à condition que les collectivités mènent une politique très volontariste de développement des infrastructures et d’accompagnement des habitants.

Mode de transportPart modale 2020Part modale 2030
Voiture59.98%40.34%
Vélo2.24%10.81%
RER0.00%1.35%
Autres modes2.76%2.84%
Marche21.65%24.94%
Métro8.68%13.51%
Bus4.68%6.21%

Le graphique suivant présente l’évolution du nombre de déplacements et leur répartition par mode de déplacement :

L’impact environnemental et financier de la production des moyens alternatifs

Cependant, nous n’avons considéré jusqu’à présent que les émissions liées à l’utilisation de chacun des moyens de transport. Or, la fabrication d’une voiture ou d’un vélo électrique ou la construction d’une ligne de métro vont engendrer des émissions de gaz à effet de serre. Dans les 2 cas, il serait trompeur de les occulter au prétexte qu’elles ne sont pas émises sur notre territoire, ce serait fuir nos responsabilités. De même, toutes les alternatives présentées précédemment ne nécessitent pas les mêmes investissements financiers et c’est un élément qui doit être pris en compte pour la définition d’un nouveau PDU.  Quantifier ces impacts est l’objet de la suite de ce document.

Le véhicule thermique neuf

D’après une étude récente de l’ONG Transport et Environnement [18], les émissions liées à la production d’un véhicule thermique sont évaluées à 6T CO2eq.

Le coût d’une petite voiture thermique pour la ville (Clio par exemple) est estimé ici à 15 000€.

Nous resterons sur le chiffre de 2,6 déplacements journaliers par véhicule. Le développement de l’autopartage est une solution qui permettrait de réduire significativement le nombre de véhicules. L’entreprise Citiz estime par exemple qu’une voiture en autopartage remplace 10 voitures individuelles.

Le véhicule électrique

D’après une étude récente de l’ONG Transport et Environnement [18], les émissions liées à la production d’un véhicule électrique sont évaluées à 9,6T CO2eq (dont 3,6 T CO2eq pour la batterie).

Le coût d’une petite voiture électrique pour la ville (Zoé par exemple) est estimé ici à 25 000€ en tenant compte d’une baisse probable des coûts dans les prochaines années (32 500€ aujourd’hui).

Le covoiturage

Le bilan carbone et les investissements pour développer le covoiturage sont très limités en comparaison des autres modes de transport. Il sera néanmoins nécessaire de mettre en place des actions de sensibilisation et une politique incitative pour enclencher les changements de comportement qui pourraient avoir un coût pour la collectivité. Selon l’ADEME [24], les territoires où les actions en faveur du covoiturage fonctionnent le mieux consacrent plus de 75 % de leur budget à l’animation et à la communication.

La 3ème ligne de métro

Le bilan carbone pour la construction de la 3ème ligne de métro est estimé à 205 000T CO2eq par Tisséo. La Mission Régionale d’Autorité Environnementale (MRAE) [20] avait cependant demandé de préciser  les modalités de calcul de ce chiffre. En effet, une étude a été menée pour le Grand Paris Express qui est constitué de rames similaires à celles de Toulouse. Les émissions sont estimées à 23000 T CO2eq/km soit un total de 621 000 T CO2eq pour les 27 km de la 3ème ligne. 

Pour l’investissement financier, le coût actuel est évalué à 2,7 milliards d’euros en 2021.

La démobilité et la marche

En première approximation, le bilan carbone et les investissements sont nuls pour ces 2 leviers d’actions. Il sera néanmoins nécessaire de mettre en place des actions de sensibilisation et une politique incitative pour enclencher les changements de comportement qui pourraient avoir un coût pour la collectivité. Il faut aussi noter que la pratique du télétravail peut être source d’économies pour les entreprises.

Le RER toulousain

A notre connaissance, il n’y a pas d’études fiables permettant d’estimer aujourd’hui l’impact environnemental et le coût de l’adaptation de l’étoile ferroviaire toulousaine au développement d’un réseau de trains RER. On peut néanmoins estimer que son bilan carbone est nettement inférieur à celui de la construction d’une nouvelle ligne de métro puisque l’objectif est d’utiliser les lignes existantes. Des estimations de coût avaient été publiées dans la presse avec une fourchette se situant entre 1,9 et 3,5 milliards d’euros mais elles ne semblent pas suffisamment fiables à ce stade pour être prises en compte. 

Le vélo

Il y a peu de sources donnant le bilan carbone d’un vélo à assistance électrique. Dans un article du site Greenly [17], on trouve la valeur de 134 kg CO2eq par vélo, ce qui semble assez cohérent avec le chiffre donné par une voiture électrique si on fait un simple ratio pour se rapporter à la masse d’un vélo à assistance électrique.

Pour les calculs, on fera l’hypothèse qu’un vélo effectue 2 déplacements par jour, chiffre inférieur à celui de la voiture. On considère aussi que l’intégralité de la flotte de vélos nécessaires est renouvelée en vélos électriques et le prix d’un vélo est estimé à 2500€ (hypothèses hautes). L’investissement nécessaire est donc de 500 millions d’euros pour 200 000 vélos.

Bilan

Le graphique ci-dessous permet de comparer les investissements nécessaires aux différents développement des différents moyens de transports. On constate que la 3ème ligne de métro est l’investissement le plus important bien que ne contribuant qu’à hauteur de 150 000 déplacements quotidiens, soit 2 fois moins que les autres modes présentés. Le vélo à assistance électrique est le mode de transport nécessitant le moins d’investissement.

Pour évaluer l’efficacité de chaque solution, il est intéressant de rapporter leur coût au nombre d’habitants de la métropole (783 353 hab. dans la métropole selon INSEE 2010) et de présenter en regard leur potentiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre : 

SolutionContribution à la réduction GESEstimation du coût par habitant de la métropole
Véhicule thermique neuf-6%1672€ 
Véhicule électrique -11,2%2788€ 
Co-voiturage-1,3%<5€ si aucun travaux d’infrastructure (parking)
3èm ligne de métro et TC-7.2%>3447€
selon le budget prévisionnel
Démobilité et marche-6%<5€ 
RER Toulousain-2%Fourchette d’estimation trop large et le RER va au-delà de la métropole. 
Vélo-12,6%638€

En matière d’impact environnemental pour la phase de production, le vélo à assistance électrique est là encore, et de loin, la solution la plus efficace.

En répartissant de façon égale entre 2022 et 2030 les émissions liées à la production des nouveaux moyens de transports et en les ajoutant aux émissions annuelles liées à leur utilisation, on obtient le graphique suivant sur lequel les émissions de production apparaissent en gris.On constate alors qu’un tel scénario amène à une stabilité des émissions jusqu’en 2030 ce qui est incompatible avec l’objectif visé.

Faute d’anticipation, le recours à des solutions intensives en émissions lors de leur phase de production comme les nouvelles voitures (thermiques ou électriques) ou la 3ème ligne de métro pénalise fortement le bilan carbone global de ce scénario au point d’annuler la baisse des émissions précédemment évoquée. Pour corriger ce scénario, nous proposons donc de le modifier sur 3 points :

  • Repousser ou phaser la réalisation de la 3ème ligne de métro dont le coût financier et l’impact environnemental sont trop élevés à court terme au regard du service rendu
  • Compenser le décalage de la 3ème ligne et de ses 150 000 déplacements quotidiens par un renfort de la part modale du vélo pour la porter à 14,8%
  • Décider que le renouvellement de la flotte de voitures se fera par un développement massif de l’autopartage, à raison d’une voiture en autopartage en remplacement de 4 voitures individuelles. Cette solution permet de réduire l’investissement et les émissions de la production du nouveau parc automobile. Une voiture en ville reste immobile 95% du temps, l’autopartage rationalise l’usage des véhicules et réduit encore l’espace de stationnement en ville. On estime que le nombre de véhicules pourrait ainsi passer de 647 000 à 283 000 grâce à cette solution. 

On obtient ainsi l’évolution suivante des émissions qui permet d’atteindre en 2030 la réduction de 44% des émissions globales fixée par le PCAET.

Par ailleurs, l’investissement pour les véhicules d’autopartage (43 000 voitures thermiques et électriques) et en vélo à assistance électriques (275 000 vélos) s’élève à 1,5 milliard d’euros et peut donc être porté par la collectivité en remplacement de la 3ème ligne, tout en permettant une économie substantielle. L’utilisation de voitures électriques en autopartage est aujourd’hui difficilement viable économiquement à cause du prix plus élevé du véhicule et du coût d’installation des bornes de recharge, d’où la nécessité d’un soutien financier de la collectivité pour accélérer la mise en oeuvre de cette solution.

Conclusion

 Au mois d’août, le GIEC publiait son 6ème rapport sur le climat dans lequel il appelait une nouvelle fois à une action immédiate pour contrer le changement climatique. Le présent document démontre qu’il est possible de réduire les émissions des transports individuels dans l’agglomération toulousaine de 44%, en ligne avec les objectifs du plan climat. Cependant, l’atteinte de cet objectif exige à la fois une volonté politique forte, un changement radical des modes de transports et une évolution rapide des comportements des habitants. Comme nous l’avons montré, tous les leviers d’action disponibles doivent être utilisés de façon complémentaire. Par ailleurs, la 3ème ligne de métro doit être reconsidérée tant l’impact environnemental de sa réalisation pèse dans le bilan global.

Loin d’être utopique, ce scénario ne repose que sur des solutions techniques existantes et maîtrisées et permettra d’améliorer la qualité de vie dans notre agglomération tout en rendant ses habitants plus résilients face à la raréfaction du pétrole et la hausse du prix de l’essence à venir. 

Pour aller plus loin et affiner ce scénario, les Faiseurs de Ville proposent :

  • Que Toulouse Métropole mène rapidement plusieurs études afin de confirmer certaines hypothèses et de préciser:
    • Les conditions d’un plan de développement massif de l’usage des vélos à assistance électrique
    • La mise en oeuvre d’un nouveau plan de circulation à l’échelle de la ville pour développer des infrastructures cyclables
    • Le potentiel, le coût et l’impact environnemental d’un RER toulousain
    • Les modalités de déploiement  d’un vaste réseau d’autopartage
  • Qu’une convention citoyenne composée d’élus, d’agents de la collectivité, d’associations et de citoyens volontaires et/ou tirés au sort soit mise en place pour accompagner la rédaction du nouveau PDU
  • Qu’un scénario équivalent soit défini pour les transports professionnels et le fret

C’est ainsi que nous pourrons relever collectivement le défi du dérèglement climatique et faire de Toulouse une ville exemplaire dans ce domaine.

Sources

[1] PCAET Toulouse Métropole – Livre 1 – Diagnostic : https://www.toulouse-metropole.fr/documents/10180/26817652/PCAET_Livre1_Diagnostic.pdf/75dc2517-d458-4908-8813-aeb7a49d91eb

[2] PCAET Toulouse Métropole – Livre 2 – Stratégie: https://www.toulouse-metropole.fr/documents/10180/26817652/PCAET_Livre2_Strategie.pdf/6a3f8a5d-a342-43e5-8107-facad5e032a2

[3] Rapport Développement durable Toulouse Métropole 2019 : https://fr.calameo.com/read/0017859301937aba948d9

[4] Toulouse Métropole en chiffres 2021 : https://www.toulouse-metropole.fr/documents/10180/26917307/Toulouse+M_tropole+en+chiffres+2021.pdf/c4af4385-2b37-4a2f-9493-3938918d4729

[5] Les déplacements dans la grande agglomération toulousaine – AuaT: https://www.aua-toulouse.org/wp-content/uploads/2015/05/pdf_emd2013_100p_dossier_light.pdf

[6] Plan de déplacements urbains Toulouse 2018 :

https://www.tisseo-collectivites.fr/projet-mobilites-2020-2025-2030-documents

[7] Rapport “l’Autre demain” de l’AUAT : https://lib.aua-toulouse.org/PageFlipPDF/20210629_AutreDemain_Recueil_2021/

[8] Calculateur d’émissions des transports de l’ADEME : https://agirpourlatransition.ademe.fr/particuliers/bureau/deplacements/calculer-emissions-carbone-trajets

[9] Les chiffres clés Tisséo : https://www.tisseo-collectivites.fr/file-download/download/public/4777

[10] Calculateur Mission Climat Vallée Sud : https://mc-vsgp.herokuapp.com/#cat2

[11] Les propositions de Rallumons l’Etoile : https://rallumonsletoile.fr/

[12] Le plan 100000 vélos électriques des Faiseurs de Ville :  https://faiseursdeville.org/2021/05/08/100000-velos-electriques-gratuits-en-attendant-la-3e-ligne-de-metro/

[13] Les parts modales du vélo dans les villes de France et d’Europe : https://fr.wikipedia.org/wiki/V%C3%A9lo_(mode_de_transport)

[14] La 3ème ligne de métro :

https://www.toulouse-metropole.fr/projets/3e-ligne-de-metro

[15] La ville du quart d’heure, étude de cas sur Toulouse : https://sites-formations.univ-rennes2.fr/mastersigat/WebMaps/Chaire_ETI/#indic

[16] Bilan carbone du Grand Paris Express : https://media-mediatheque.societedugrandparis.fr/permalinks/domain1/2019/10/29/1360-Methodologie_Carboptimum_-_version_francaise_-_resume.pdf

[17] Bilan carbone du vélo à assistance électrique : https://www.greenly.earth/blog/empreinte-carbone-velo-trottinette

[18] Etude de l’ONG Transport et Environnement sur le véhicule électrique : https://www.transportenvironment.org/sites/te/files/downloads/T%26E%E2%80%99s%20EV%20life%20cycle%20analysis%20LCA.pdf

[19] Modèle de déplacements développé par les Faiseurs de ville pour cette étude : https://docs.google.com/spreadsheets/d/1gXsMDFbZb3M2i8bhVl4wKghJ9Y13a3xtmNm3rh2GU9o/edit?usp=sharing

[20] Avis de la Mission Régionale d’Autorité Environnementale sur la ligne Toulouse Aero Express: http://www.mrae.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/toulousetaeclb-avismrae_vfvalide.pdf

[21] Avis de la Mission Régionale d’Autorité environnementale de la région Occitanie sur le projet de révision du plan de déplacement urbain de la Grande Agglomération Toulousaine: http://www.mrae.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/avis_mrae_2017ao22.pdf

[22] Etude du Shift Project sur l’autopartage : https://theshiftproject.org/wp-content/uploads/2017/12/Analyse-Autopartage-V12-1.pdf

[23] Résumé de la Stratégie Nationale Bas Carbone : https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/19092_strategie-carbone-FR_oct-20.pdf

[24] Synthèse sur le développement du covoiturage régulier : https://www.concarneau-cornouaille.fr/files/ACTUALITES-2018/06-Juin/ADEME_developpement-covoiturage-regulier.pdf

4 thoughts on “Un Plan de Déplacements Urbains à la hauteur de l’urgence climatique

  1. Article très intéressant et motivant, car on voit qu’on peut changer les choses. Il y a néanmoins un frein à la décarbonation des déplacement qu’il ne faut pas négliger : la durée du déplacement, et donc la vitesse.
    Par exemple, habitant dans une commune en périphérie de Toulouse, si je veux me rendre dans le centre de Toulouse, j’ai le choix entre :
    – 24 min de voiture,
    – 10 min de vélo + 5 min de marge + 46 min de Tram/métro, soit 61 min au total de transport en commun,
    – 50 min de vélo ou trottinette (bridés à 25 km/h),
    – entre 30 et 35 min de vélo ou trottinette s’il n’y avait pas le bridage à 25 km/h.
    La voiture s’impose donc les jours où le planning est tendu, c’est à dire souvent.
    Le bridage à 25 km/h est un vrai frein au choix du vélo ou de la trottinette. Il n’apportent aucun bénéfice en termes de sécurité, car quand on est seul sur une grande piste cyclable, on peut rouler plus vite en toute sécurité (les sportifs en vélo de course le font bien depuis toujours), et lorsqu’on est dans un environnement congestionné (voitures, piétons, etc.), on peut être très dangereux à 25 km/h. Il vaudrait mieux responsabiliser les utilisateurs et les former à adapter leur vitesse à l’environnement, plutôt que de brider bêtement les VAE/trott à une vitesse arbitraire sortie du chapeau par quelques technocrates parisiens.
    Il me semble que les associations de défense de l’environnement devraient se battre farouchement pour faire supprimer le bridage des VAE et trottinettes à 25 km/h afin de libérer ce moyen de déplacement qui est le plus efficace au plan énergétique.

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