4 nouvelles rues scolaires à Toulouse : point d’étape

Lors de cette rentrée 2022, vous avez peut-être vu des affiches ou lu des articles relayant la campagne de communication de la Mairie de Toulouse pour “davantage de sécurité aux abords des écoles” :

Puisque c’est un sujet qui nous intéresse chez les Faiseurs de ville (voir ici ou ), et que nous avons maintenant quelques semaines de recul, il est temps de faire un point d’étape de ces aménagements en “rue scolaire”. Je le mets entre guillemets car justement, il semble malheureusement un peu exagéré d’utiliser cette dénomination pour certaines d’entre elles, en tout cas  pour le moment.

Pour rappel, la définition usuelle d’une rue scolaire est la suivante :

Une rue située à l’entrée d’une école qui est fermée temporairement à la circulation des véhicules motorisés aux heures d’entrée et de sortie des classes.

Mathieu Chassignet de l’ADEME a écrit plein d’articles intéressants sur ce concept.

Mais avant toute chose, saluons le fait que la mairie de Toulouse avance sur ce sujet! Certains aménagements sont de vraies réussites et semblent appréciés autant par les parents d’élèves que par les riverains.

Avant de passer en revue chaque groupe scolaire, nous pouvons déjà faire un point d’avancement chiffré global (⚠️calculs de coin de table) :

  • On compte 210 écoles maternelles et élémentaires à Toulouse
  • 40% sont déjà sécurisées selon l’élue à l’éducation Marion Lalanne de Laubadère. Prenons ce chiffre tel quel, même s’il serait intéressant d’avoir (beaucoup) plus de détails. Malheureusement nous n’avons pas accès à des données plus précises
  • Ce qui laisserait donc 210 – (210 x 0.4) = 126 écoles non sécurisées
  • 4 l’ont été en cette rentrée 2022
  • 126 – 4 = 122 écoles encore à sécuriser

C’est donc un départ tranquille, un premier petit pas qui annonce (on l’espère) de plus grands par la suite. Car à ce rythme de 4 écoles par an, les écoles où vont nos petits toulousains seraient toutes sécurisées pour… 2052 !?! C’est déjà ça, mais on va se permettre d’être un chouïa plus exigeants pour le coup.

Note: ce bilan chiffré se base sur les chiffres à notre disposition, nous faisons de notre mieux et essayons d’être le plus objectif et factuel possible, mais si quelqu’un de la mairie lit ceci et souhaite compléter avec des informations plus précises ou corrigées, je serai heureux d’affiner !

Passons maintenant en revue les nouveaux aménagements dont ont pu profiter ces 4 écoles pour la rentrée 2022.

👏 Ecole Patte d’Oie – rue du Tchad 👏

Nous commençons par l’aménagement qui semble être un succès sur toute la ligne :

https://www.ladepeche.fr/2022/09/08/toulouse-la-rue-du-tchad-pietonnisee-aux-heures-dentree-et-de-sortie-des-classes-10530058.php

Une vraie rue scolaire, une barrière fermée aux heures d’entrée et de sortie, qui semble réjouir tout le monde. 👏👏👏

Visualisation en violet de la barrière et de la rue sécurisée en pointillée

Quelques questions à se poser, dont les réponses permettraient de mieux comprendre ce succès pour mieux le reproduire :

  • Quel était le trafic dans cette rue avant ? Uniquement des parents qui déposaient leurs enfants en drive ou aussi du trafic de passage ?
  • Comment font désormais les parents automobilistes ? Y a t’il une nouvelle zone plus loin où c’est le bazar ?
  • Les résidents, PMR et accompagnants ont-ils tous eu une clé à temps pour accéder à la rue quand les barrières sont fermées?

Si des parents d’élèves de cette école me lisent, je serai content de pouvoir modifier cette section avec leur retour plus précis.

Ecole Etienne Bilières – rue des Turres

Visualisation en violet de la barrière et de la rue sécurisée en pointillée

L’installation d’une barrière pivotante au début de la rue de Turres à la rentrée 2022 a d’abord eu un effet limité, certains automobilistes continuant à emprunter la rue Saint Malo pour rejoindre la rue de Turres en son milieu. Rapidement signalée par les parents d’élèves et les Faiseurs de Ville cette situation a été corrigée par la maire de quartier en mettant la rue Saint Malo à sens unique, de la rue de Turres vers la rue de Caen. Le trafic est désormais bien interdit dans l’intégralité de la rue de Turres aux heures d’entrées et sorties de l’école. Cependant, quelques parents continuent à se garer avant la fermeture des barrières, à prendre la rue Saint Malo à sens unique ou à remonter la rue de Turres en marche arrière (!). Les parents d’élèves s’appliquent avec patience à faire de la médiation en espérant que ces comportements disparaîtront rapidement.

La rue Saint Malo un matin d’école après la rentrée 2022, avec donc une barrière posée à l’entrée :

Au delà de cette modification, un nouveau plan de circulation devrait être mis en place d’ici la fin de l’année pour l’ensemble du quartier. Cela devrait permettre de limiter encore un peu plus les problèmes rue de Turres mais aussi de réduire le trafic automobile devant l’entrée de la maternelle rue d’Auch en attendant qu’elle soit peut-être elle aussi transformée en rue scolaire.

Le futur plan de circulation du quartier présenté par la Mairie :

Ecole Falguières – rue D’Artagnan et rue Roode

L’école Falguières est particulière car un aménagement de sécurisation avait déjà été réalisé il y a quelques années compte-tenu de la très faible largeur des trottoirs qui oblige les piétons à marcher sur la chaussée . On n’a donc pas affaire ici à un nouvel aménagement mais plutôt à une révision de celui réalisé l’année dernière. Une révision qui pose problème, au point que les parents et riverains ont constitué un collectif pour manifester leur mécontentement :

https://www.ladepeche.fr/2022/09/21/toulouse-rues-roode-et-dartagnan-la-securisation-de-lacces-aux-ecoles-derape-10557035.php
Visualisation en violet de la barrière et de la rue sécurisée en pointillée, ainsi que des entrées des écoles maternelles et élémentaires (points rouges). On voit bien ici que l’aménagement actuel ne sécurise pas l’entrée de la maternelle, qui devait être déplacée mais ne l’a pas été pour le moment.

Il est important de préciser ici que nous avons été à la rencontre de ce collectif de riverains et parents, qui nous ont répété être entièrement favorables à l’idée d’une rue scolaire à cet endroit. En revanche, ils étaient extrêmement déçus par la concertation réalisée par la mairie, ainsi que par les aménagements réalisés, puis révisés, qui ne correspondaient pas du tout à ce qui avait été convenu.

Le sujet est complexe et demanderait plus de place, je vais donc me concentrer ici sur la dimension technique des aménagements réalisés et les enseignements à retenir :

  • Il y a quelques années : mise en place de bornes rétractables manuelles fermées aux heures d’entrée et de sortie de l’école. Ces bornes posaient problème car elles étaient difficiles à actionner, ce que nous avons pu constater nous-même quand nous y sommes allés (elles sont encore en place même si toujours baissées).
  • Ces bornes ont donc été remplacées pour cette rentrée par des barrières amovibles à clés prisonnières pour les riverains. Ce dispositif apparaît bien plus satisfaisant pour ce qui est de l’ouverture/fermeture. En revanche, le positionnement d’une des barrières diffère de celui des bornes installées l’année d’avant, et suscite de nombreux problèmes (voir l’article de La Dépêche plus haut).
  • En plus de ceci, plusieurs riverains nous ont rapporté ne pas avoir encore reçu la clé de la barrière, notamment ceux dont l’adresse principale n’est pas dans une des rues fermées mais dont l’accès au garage se fait par ces rues.
  • Une bonne image du manque de préparation: lors de notre visite un samedi matin, nous avons vu un camion de ramassage des déchets de Toulouse Métropole remonter la rue d’Artagnan en marche arrière faute d’avoir la clé pour ouvrir la barrière…
  • Les panneaux à l’entrée des deux rues mentionnent d’ailleurs encore une fermeture temporaire aux heures d’entrée et sorties d’école. Cette confusion fait que des voitures continuent à s’engager dans le rue Roode pour se retrouver bloquées 100m plus loin.

Essayons donc de tirer quelques enseignements :

  • Les barrières manuelles pivotantes constituent une nette amélioration  en termes de manipulation par rapport aux bornes rétractables
  • Un dispositif de fermeture uniquement aux heures d’entrée et sortie de l’école semble plus à même d’être apprécié par les riverains non parents
  • Etablir un dialogue, et respecter les décisions prise en concertation est indispensable pour que ce type de dispositif soit une réussite

Quelques images prises par nos soins (un samedi matin, 0 passage autre que les riverains) :

👏 Ecole Calas-Dupont – rue Beethoven 👏

Dans un des quartiers Toulousain les plus actifs en ce qui concerne les aménagements piétons et cyclables, probablement grâce au travail d’un maire de quartier ayant une vraie vision sur ce sujet, les parents d’élèves de l’école Calas-Dupont demandaient depuis plusieurs mois une sécurisation des rues adjacentes au groupe scolaire constitué par les écoles Calas et Dupont.

Visualisation en violet de la barrière et de la rue sécurisée en pointillée, ainsi que des entrées des écoles maternelles et élémentaires (points rouges)

Mises en attente par la grande transformation de la Grande Rue Saint-Michel l’année dernière, leurs demandes ont été entendues pour la rentrée 2022 : les aménagements réalisés correspondent à ce qui avait été convenu lors des concertations, et les retours sont donc extrêmement positifs !

Quelques photos envoyées par les parents :

Pas une rue scolaire mais une tentative d’aménagement: école élémentaire Jean Jaurès du Busca – Avenue Frizac

Ici, pas d’aménagement en rue scolaire, mais un soit-disant “nudge”, c’est à dire une bande cyclable dont les couleurs ont été arc-en-cielisées :

https://actu.fr/occitanie/toulouse_31555/toulouse-contre-le-stationnement-genant-devant-cette-ecole-la-mairie-mise-sur-la-peinture-multicolore_51425769.html#Echobox=1654272902

Une petite parenthèse sur la notion de nudge et son utilisation quasiment tout le temps inappropriée par les responsables politiques.

Le principe d’un nudge, concept qui vient de l’économie comportementale, est une transformation implicite et non contraignante qui va permettre de sensiblement modifier un comportement.

wikipedia

Un exemple typique a été une expérience qui rendait plus saillante les options végétariennes du menu d’un restaurant universitaire, augmentant significativement leur commande. Voilà un cas où le nudging peut avoir un sens : cela ne coûte presque rien à mettre en place, personne ne se sent contraint, cela n’a qu’un effet marginal mais sur la masse c’est déjà un progrès (cf. les menus de la cantine à Grenoble 😉). Les petites mouches dessinées au fond des urinoirs sont un autre exemple de nudge utilisé largement.

Il y a donc des cas où ce genre de méthode peut être envisagé, même si des critiques existent concernant leur efficacité à long-terme qui serait nulle ou presque1, sans parler du fond questionnable de ce genre de concept de manipulation bienveillante.

Mais revenons à notre sujet de départ : quand on parle de sécurité des enfants qui vont à l’école, l’idée n’est pas de modifier sensiblement, à la marge, le stationnement sauvage et les comportements automobiles dangereux, mais de les supprimer ! Utiliser la notion même de nudge pour la sécurité des enfants révèle donc surtout ici une très mauvaise considération de l’importance du problème.

Conclusion : peindre en arc-en-ciel une bande cyclable, pourquoi pas, mais il n’y a pas la moindre raison de considérer ceci comme un dispositif de sécurisation des abords d’une école. Ceci s’applique aussi aux barrières colorées et poteaux en crayon de couleur.

Tentative de conclusion en terme d’aménagements de rues scolaires

En se basant sur les observations faites au-dessus, voici un résumé des aménagements observés et/ou envisageables pour sécuriser les abords des écoles, ordonnées du moins au plus efficace selon leur coût et efficacité (échelle relativement arbitraire je vous l’accorde mais 🤷 on fait ce qu’on peut).

Type d’aménagementCoût (échelle de 1 à 10)Efficacité constatée pour sécuriser les abords d’une écoleCommentaires
Mettre de la peinture (sur les barrières ou sur la route)100 efficacité même si elle est arc-en-ciel
Limiter la vitesse à 30 km/h devant l’école11C’est bien le minimum mais c’est de toute façon peu respecté 2
Installer un ralentisseur devant l’école21
Mettre des barrières pour protéger le trottoir24 mais effet très limité spatialementLes écoles toulousaines sont déjà équipées, c’est un minimum mais reconnaissons ici que c’est déjà le cas et que c’est partout
Créer une piste cyclable physiquement séparée du trafic automobile28
Rue scolaire avec bornes rétractables automatiques810Avec télécommande pour les résidents/PMR et services
Rue scolaire avec barrières manuelle à clé210Avec clés distribuées aux résidents/PMR/services
Piétonnisation définitive 210Avec clés distribuées aux résidents/PMR/servicesMais nécessite une concertation bien menée, et une adhésion des riverains au projet
Notre classement des aménagements envisagées pour une sécurisation des abords des écoles

On peut donc conclure de façon assez claire que les éléments à reproduire pour les 122 écoles qui restent à sécuriser à Toulouse sont :

  • Se concerter avec les parents et riverains (qui connaissent très bien leur quartier et ses problématiques) et respecter les décisions prises lors de celles-ci
  • Utiliser des barrières manuelles à clés (prisonnières ou pas) pour fermer la rue aux heures d’entrée et sortie de l’école

On peut toujours imaginer que, dans certains cas très précis, il faille envisager d’autres solutions. Mais il est important de noter que l’homogénéité des aménagements à travers la ville participe aussi directement à leur meilleure compréhension et acceptation. Si l’on prend comme exemple les pistes cyclables, à Toulouse nous avons droit à une variété de couleur (vertes, rouges, sans peinture, et donc maintenant arc-en-ciel !), de forme et de principe de traversée de carrefour qui est très hétérogène. En comparaison, si l’on prend la référence Amsterdam, ou des villes comme Ultrecht aux Pays-Bas, on a un code très homogène appliqué dans toute la ville. 

Pour les rues scolaires comme pour le reste, soyons donc humble, ne cherchons pas à réinventer la roue, inspirons nous de ce qui a fonctionné ailleurs ! Ne négligeons pas l’importance de la pédagogie et de la communication, notamment envers les parents et riverains,  pour expliquer les objectifs poursuivis par ces nouveaux aménagements. Enfin, afin d’installer des solutions lourdes et définitives (comme une barrière scellée dans le sol), prenons le temps d’expérimenter et d’ajuster le dispositif avec des moyens légers.

NB: une nouvelle rue scolaire a été aménagée pendant les vacances de la Toussaint :

J’aime bien l’idée des barrières colorées. Hâte d’avoir le retour des parents sur cet aménagement dans quelques semaines ! Nous sommes donc désormais à 5/126

Références :

  1. Frank Mols, S. Alexander Haslam, Jolanda Jetten et Niklas K. Steffens, « Why a nudge is not enough: A social identity critique of governance by stealth: Why a nudge is not enough », European Journal of Political Research, vol. 54, no 1,‎ février 2015, p. 81–98
  2. Dans les zones 30, les conducteurs roulent au dessus de la limite à 30 km/h durant plus de 20% du temps et aux abords des écoles , ils dépassent 30 km/h pendant 10%  de leur temps de circulation.

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